Beaucoup de
Drômois, voire de Provençaux, n’associent le nom de René Barjavel qu’à La
Charrette bleue, faisant de lui un « écrivain du terroir ». C’est n’avoir
qu’une vision unidimensionnelle de son œuvre, qui s’étend avec bien plus de
diversité.
L’année
2011, centenaire de sa naissance à Nyons où des animations commémoratives se
succèdent, est une occasion de le redécouvrir, et de se laisser surprendre par
des œuvres sous-tendues par une pensée qui n’a rien perdu de son actualité.
Pour le
grand public, Barjavel est un écrivain de science-fiction. S’il est vrai qu’il
a grandement contribué à promouvoir ce "genre" en France, avant même
que le terme existe, lui-même récusait ce terme, préférant considérer la S.-F.
comme au dessus des genres, car les comprenant tous. Et, grand admirateur de La
Fontaine, il se considérait bien davantage comme un fabuliste, tenant à donner
à ses récits une moralité – mais non une morale. On peut donc le découvrir à
partir de ses « Romans extraordinaires », les plus célèbres étant Ravage, Le
Voyageur imprudent et La Nuit des temps, en se gardant bien de négliger les
autres.
Puis on
s’apercevra qu’il a écrit des « Romans merveilleux », qui n’ont rien de
science-fictionnesques, mais dont l’atmosphère incite au voyage, souvent
intérieur : Tarendol, Les Chemins de Katmandou, Les Dames à la Licorne (écrit
avec Olenka de Veer) et sa suite, Les Jours du monde. Des contes, à lire et
relire (en particulier Le Prince blessé, petit bijou de fantaisie et de sage
psychologie, et le sans doute initiatique Les Mains d’Anicette.)
Tous ses
écrits sont marqués par un profond humanisme, une curiosité insatiable envers
le monde et une grande tolérance. Il est donc bien naturel de les retrouver
exprimés de façon plus « théoriques » dans ses essais, Journal d’un homme
simple, La Faim du tigre, Si J’étais Dieu, Demain le paradis. Sans oublier sa
Lettre ouverte aux vivants, où il aborde le problème de l’énergie nucléaire
avec des prémonitions qui en imposent sa relecture aujourd’hui.
Mais
Barjavel fut aussi bien autre chose qu’un écrivain – de livres tout du moins.
Journaliste durant pratiquement toute sa vie, depuis ses débuts (1930 au
Progrès de l’Allier jusqu’à ses chroniques au Journal du dimanche (de 1969 à
1981), avec aussi une importante activité de critique (cinéma, théâtre et
radio).
Et surtout,
il a été l’auteur de davantage de scénarios et dialogues de films (35) que de
livres (24) ! Si tout le monde connaît les Don Camillo, point fort de sa
collaboration amicale avec Duvivier, bien d’autres titres lui ont donné
l’occasion de faire dire ses mots par des acteurs célèbres : Gabin, de Funès,
Delon, Hossein.
On voit donc
que l’exploration de son œuvre est un long voyage, passionnant, très varié, et
c’est peut-être ce qui explique sa méconnaissance. Cette diversité le rend
difficile à classer, et encore plus à "récupérer" – ce qu’il a refusé
toute sa vie. Faisons sa connaissance, tout simplement.
Pierre Creveuil, président de l'Association des mis de René Barjavel.
Coordinateur du site http://barjaweb.free.fr
Paru dans Prosper, le
Magazine culturel, Vaucluse, Avignon, Drôme provençale, Alpilles. N° 26,
juillet, août, septembre 2011.
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