Bien des villes ont un double. On pourrait même dire toutes les villes, car le premier des doubles regroupe les habitants du passé, et toute ville possède un cimetière. Certaines ont des doubles de légende : Alexandrie et sa mythique bibliothèque ; d’autres ont des doubles historiques très présents comme Arles, son théâtre, ses arènes et ses fouilles actuelles dans le Rhône; d’autres ont des doubles monumentaux, liés à l’histoire religieuse, comme Avignon et son Palais des papes. D’autres ont, enfin, des doubles de rêve grâce à la littérature ou à la poésie. Mais un double invisible, enfoui et pourtant bien réel, c’est plus rare ! Il aura fallu la publication du tome trois de l’atlas des villes de Gaule Méridionale pour que St Paul Trois Châteaux découvre son double absent. Absent, parce qu’aucun vestige ne s’élève hors de terre : tous sont enfouis sous la ville actuelle.
Cette révélation pèse son poids, poids historique, poids de papier : deux kilos et demi pour les 211 pages d’un ouvrage de très grand format, richement illustré. Qu’y présente t-on ? L’état actuel de la connaissance archéologique d’Augusta Tricastinorum, l’une des cités chef-lieu de la Province romaine dite la Narbonnaise, comme Valence, Die ou Alba-la-romaine. Et que connaît-on ? L’enceinte du haut Empire, quelques monuments publics, de très nombreux éléments de construction, des mosaïques exceptionnelles et peu de statuaire. De ces éléments, les archéologues, enquêteurs minutieux du passé, tirent des hypothèses, parfois des conclusions, jusqu’à nous proposer – il le fallait pour que notre imagination se mette en branle- une aquarelle de la ville vue depuis la colline de Ste Juste : reconstitution, mais on s’y croirait.
Au delà de ce plaisir immédiat, l’assemblage de données collectées depuis plus d’un siècle et leur mise en forme actualisée, l’établissement de conventions graphiques, ont été le travail au long cours d’une équipe. Sans nul doute, les prochaines publications des atlas d’Orange et de Nîmes bénéficieront de l’impressionnant travail de fond effectué sur St Paul par Michèle Bois, Valérie Bel, Véronique Blanc-Bijon et Mylène Lert, coordonnatrice du projet et conservatrice du musée d’archéologie tricastine.
Nouer des liens réels entre la ville actuelle et la ville romaine n’était pas facile. Pourtant, reportés sur le cadastre actuel simplifié où figurent les noms de rues et le bâti actuel, les éléments trouvés lors des fouilles, sont faciles à situer et il y a là deux avantages : le premier, c’est de constituer un outil technique majeur pour l’aménagement de la commune et pour tous ceux qui ont des projets d’aménagement et de construction.
Le second, c’est d’offrir un bel ancrage dans le passé à la petite ville tricastine. A l’époque des réalités virtuelles envahissantes, pouvoir rêver de la ville romaine, est un privilège rare pour tous, mais surtout un cadeau à offrir aux plus jeunes.
Anne Simonet-Avril, paru dans le n°23 mars-avril 2010
Atlas topographique des villes de la Gaule méridionale. Tome 3. Saint-Paul-trois-Châteaux. Revue archéologique de Narbonnaise. Supplément 39. 65 euros. La Revue Archéologique de Narbonnaise et ses suppléments sont diffusés par les PULM - Presses universitaires de la Méditerranée - 17 rue Abbé-de-l’Épée - 34090 Montpellier. E-mail : publications@univ-montp3.fr. Tél : 04 99 63 69 25.
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